Intervention du ministre des Finances, Luc Frieden, au sujet du projet de budget 2010 à la Chambre des députés

Deux jours après la présentation du rapport de la commission des Finances et du Budget de la Chambre des députés sur le projet de budget de l’État pour 2010, le ministre des Finances, Luc Frieden, a fait le point, le 3 décembre 2009, sur la situation économique et financière actuelle et a retracé les grandes lignes du projet de budget de l’État pour 2010.

"Budget anticrise, réponse du gouvernement à la crise économico-financière". Tels sont les mots clefs du ministre des Finances pour caractériser le budget 2010, établi en une période économique, sociale et financière difficile. Rappelant les prévisions de croissance de la Commission européenne pour la zone euro (recul du PIB de 4% en 2009, légère croissance économique de 0,7 et de 1,5% en 2010 et 2011), Luc Frieden a dit que le recul du PIB au Luxembourg en 2009 sera substantiel, avec 3,5%. Pour 2010 et 2011, les prévisions parlent d’une croissance "extrêmement faible" de 1,1 et de 1,8%.

Le ministre des Finances a également passé en revue la situation du chômage et a signalé, d’après les données de la Commission européenne, que le taux de chômage s’élèvera en 2011 à 11% en zone euro, contre 7% au Luxembourg.

Face au déficit de l’administration publique, qui s’élèvera en 2010 à plus de 4% du PIB, Luc Frieden a appelé à prendre en considération d’autres aspects – l’accroissement de la dette publique ou l’évolution des réserves de l’État – pour bien tracer le contexte du budget 2010. Ainsi la dette publique s’élèvera en 2010 à 7 milliards d’euros (19% du PIB). Elle inclut néanmoins les montants investis en 2008 aux fins de recapitalisation d’une banque systémique. Toutefois, "un endettement substantiel n’est pas une alternative", a averti Luc Frieden. Pour ce qui est des réserves de l’État, le ministre s’est réjoui du fait qu’elles sont passées au cours de la période législative antérieure de 1,6 milliards en 2004 à 2 milliards en 2009. Ce sont ces réserves, a-t-il souligné, qui doivent être prises en compte par rapport au déficit public.

Après avoir présenté l’évolution de certaines catégories de recettes de l’État en 2009 – l’impôt sur le revenu et la TVA ont considérablement régressé par rapport à 2008 – Luc Frieden a parlé d’une "situation budgétaire tendue", étant donné que cette "évolution est extrêmement volatile au Luxembourg et reflète parfaitement la situation financière internationale". Néanmoins, "une politique d’austérité budgétaire brutale aurait été erronée. C’est la raison pour laquelle nous avons maintenu les dépenses d’investissement à un niveau élevé, notamment là où nous pouvons soutenir l’économie ainsi que ceux qui souffrent le plus de la crise."

Les dépenses d’investissement s’élèveront en 2010 à 1,9 milliard d’euros (contre 1,2 milliard en 2004). Selon Luc Frieden, il s’agit "d’investissements pour l’économie et les infrastructures, mais que nous ne pouvons pas poursuivre à l’infini". Dès lors, le gouvernement prépare l’après-crise en continuant par exemple les investissements en faveur de la recherche publique (0,58% du PIB en 2010) et en faisant preuve de solidarité avec ceux qui ont perdu leur emploi dans le cadre de la crise. À cet effet, les dotations pour le Fonds pour l’emploi seront maintenues à un niveau très élevé.

Luc Frieden s’est ensuite penché sur les défis auxquels le pays devra faire face. Pour ce qui est de la place financière, il a remarqué dès le départ que plus de 12.000 nouveaux emplois y ont été créés au cours des dernières années. Il a néanmoins ajouté qu’une telle croissance ne se répétera probablement plus.

Concernant le secret bancaire, "un élément important de la place, sans pour autant être le seul", Luc Frieden a clairement souligné qu’il "ne faut pas perdre de vue qu’il [le secret bancaire] n’est pas partagé par 25 États membres de l’Union européenne". Il a ajouté que le dernier Conseil "Affaires économiques et financières" avait montré qu’une discussion sur le fond n’était pas possible dans ce domaine. Répétant qu’il fallait tenir compte du fait que le Luxembourg avait introduit le principe de la retenue à la source et s’était déclaré d’accord avec l’échange d’informations sur demande selon les normes de l’OCDE, le ministre des Finances craint les répercussions d’une position continuellement défensive en cette matière.

Bien que la place financière repose toujours sur des bases solides, sa croissance ne se poursuivra pas au même rythme qu’avant. Il y a donc lieu, selon le ministre, d’y développer d’autres activités, telles que la philanthropie, la microfinance ou les écotechnologies, et de promouvoir sa notoriété dans d’autres régions du monde comme l’Asie, les pays du Golfe ou l’Amérique latine. "La place reste importante pour notre pays, mais la diversification de notre économie doit être poursuivie", a conclu Luc Frieden. Selon lui, le Luxembourg doit remettre en avant "ses atouts: agir rapidement et rester compétitif, y inclus sur le plan fiscal".

Recettes en recul, dépenses d’investissement maintenues à un niveau élevé, il s’ensuit un déficit qu’il faut financer, a noté le ministre des Finances. "Le budget 2010 est un budget anticrise et nous acceptons son déficit. Mais les efforts que nous faisons ne peuvent pas être répétés 3 ou 4 fois. Il serait irresponsable de léguer la dette et les déficits publics aux générations futures." Pour 2011, l’objectif du gouvernement est donc de présenter un budget en équilibre, pour revenir, à moyen terme, à une situation de finances publiques saines.

Pour ce faire, le ministre a rappelé les pistes tracées par le gouvernement dès le début de la crise: rigueur au niveau des dépenses de fonctionnement de l’État, maintien des dépenses d’investissement à un niveau élevé tout en évitant leur augmentation continue, transferts sociaux équitables. Concernant ce dernier point, le ministre a noté que le gouvernement était évidemment en faveur d’un État social fort. "L’État a un rôle très important à jouer en matière de solidarité", a-t-il noté, avant de souligner qu’une réforme n’était pas forcément synonyme de démantèlement social. "En période difficile, il faut discuter de certaines dépenses, et évaluer si elles sont nécessaires ou non ou si elles doivent éventuellement être ciblées autrement", a estimé Luc Frieden. Selon ses propos, le gouvernement a l’intention de mener ces discussions en 2010 en dialogue avec tous les acteurs concernés, le Parlement et les partenaires sociaux, afin de définir et d’atteindre les objectifs fixés.

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