"Décisions anticipatives" conférence de presse internationale du ministre des Finances, Pierre Gramegna, à Bruxelles

Mesdames et Messieurs, je suis heureux de vous saluer aussi nombreux aujourd’hui. Je vais commencer la conférence de presse en langue française et ferai les développements surtout en langue française, mais à la fin je ferai aussi un résumé en langue anglaise, ce qui devrait convenir à tout le monde.

L’idée originale c’était de souligner dans cette conférence de presse qu’au cours de la semaine écoulée, c’est-à-dire celle-ci et celle qui a précédée, le Luxembourg a pris des décisions importantes en matière de transparence, et en matière de fiscalité. Et en fait ce devait être le centre névralgique de cette conférence de presse.

Qu’est-ce qui s’est passé au Luxembourg au cours des derniers jours ? Eh bien, nous avons décidé de mettre fin au secret bancaire à partir du 1er janvier 2015, c’est-à-dire dans quelques semaines, afin de mettre en œuvre l’échange automatique d’informations, qui est prévu dans la directive sur l’épargne, depuis bien longtemps. Mais comme vous le savez, le Luxembourg de son côté appliquait une retenue à la source. Donc à partir du 1er janvier 2015, le Luxembourg passera au système d’échange automatique d’informations sur les revenus de l’épargne.

La deuxième chose c’est que nous avons adopté au parlement des mesures qui faciliteront l’échange automatique sur demande, point sur lequel notre pays avait été épinglé par le forum mondial. Et en adoptant cette loi il y a deux jours, notre pays s’est mis en conformité avec les besoins exprimés par le forum mondial. Et nous serons donc en position dans les prochains jours de demander une réévaluation de la situation du Luxembourg au forum mondial, avec l’objectif de devenir un pays conforme.

L’actualité d’aujourd’hui me pousse également à vous parler de l’attitude du gouvernement luxembourgeois face à ce qu’on appelle en anglais les rulings, ou en français les décisions anticipatives.

Alors les décisions anticipatives c’est une pratique qui existe dans la plupart des pays de l’Union européenne et ailleurs. Il s’agit en fait pour l’administration de donner une information, ou une confirmation quelles règles fiscales seront applicables.

La Commission européenne a répété à plusieurs reprises que les décisions anticipatives étaient en tant que telle une pratique tout à fait acceptable et conforme en ce sens qu’elle donnait de la sécurité juridique et de la prévisibilité aux entreprises.

Au cours des derniers jours il y a eu donc des commentaires sur la pratique des rulings au Luxembourg. Et je voudrais dire très clairement la chose suivante.

Les décisions anticipatives du Luxembourg respectent le droit luxembourgeois, le droit européen et les conventions internationales qui existent en la matière.

Les résultats qui en découlent de l’application du droit positif tel que nous le connaissons aujourd’hui peuvent paraître à certains écarts non-satisfaisants. Je m’explique. Il peut résulter de l’application du droit positif tel qu’il existe, je le répète, pas seulement au Luxembourg, mais dans tous les autres pays de l’Europe et du monde, et de la conjonction avec les conventions internationales, des résultats qui ne sont pas satisfaisants. En fait, des résultats qui aboutissent à une non-double imposition en fait, ou bien à une imposition peu significative.

Le Luxembourg n’est pas satisfait de cette situation, et participe avec la communauté internationale aux efforts pour remédier à cette situation. Donc, ce qui est légal aujourd’hui, n’est peut-être plus souhaitable aujourd’hui, ou est considéré comme éthiquement non-compatible avec ce que nous considérons comme être la norme qui devrait prévaloir.

Une situation où des entreprises internationales ne paieraient pas, ou peu d’impôts dans tous les pays, est une situation intenable, non seulement pour le Luxembourg, mais aussi pour l’Europe, et c’est aussi une situation intenable par rapport à nos contribuables. Nos contribuables ne comprennent pas que eux-mêmes sont obligés de verser leurs impôts, de faire face à des augmentations d’impôts dues à la crise économique et financière, et de constater que le monde entrepreneurial dans certains cas est soumis à une imposition extrêmement faible.

C’est la raison pour laquelle nous avons dès le début contribué et travaillé ensemble avec l’OCDE dans le contexte de l’initiative BEPS, Base Erosion Profit Shifting, et nous continuons à le faire.

D’une manière plus spécifiquement européenne, notre pays s’est associé aux efforts pris, et pris sur l’initiative de la Commission européenne. Je rappelle qu’au mois de juillet le Luxembourg a soutenu la directive « mère-fille », qui a justement comme objectif de rendre plus équitable la fiscalité au sein de l’Europe. Je vous signale aussi que la directive mère-fille va recevoir une ajoute dans les discussions des prochaines semaines, et cela fera l’objet de l’ordre du jour du Conseil Ecofin de demain où il s’agit d’ajouter des mesures anti-abus à cette directive mère-fille. Je peux d’ors et déjà vous annoncer que le Luxembourg souscrit à cette directive et aux aspects anti-abus.

Pourquoi le faisons-nous ? Et bien parce que nous pensons que c’est la bonne réponse aux problèmes que nous constatons au niveau international. Il n’est en effet pas suffisant qu’un seul pays prenne des initiatives. Si, comme nous l’avons constaté dans le passé, l’interaction des systèmes nationaux, des systèmes européens et mondiaux aboutissent à une situation qui est jugée comme insatisfaisante, il faut que la communauté internationale agisse de concert.

En d’autres termes, les deux directives que j’ai citées, la directive mère-fille adoptée au mois de juillet, et la directive mère-fille avec ces aspects anti-abus qui sera adoptée soit demain, soit au mois de décembre, constituent une réponse crédible au niveau européen à laquelle nous souscrivons.

A la fin je voudrais souligner que le gouvernement luxembourgeois a reconnu l’importance de la transparence fiscale depuis le début. Depuis le début de l’année nous avons été extrêmement actifs. Le fait pour nous de renoncer au secret bancaire, qui est une tradition de plusieurs décennies, est un pas considérable vers la communauté internationale. Le Luxembourg fait ce pas en pleine connaissance de cause, et en étant tout à fait conscient que cette évolution est non seulement bonne pour la communauté internationale, mais elle est aussi bonne pour sa propre place financière, et les acteurs qui y sont présents. Car pour développer une place financière internationale aujourd’hui de manière crédible, il faut être un champion de la transparence.

En dernier point, je voudrais souligner que nous allons coopérer pleinement avec la Commission sur tous les sujets qui ont trait aux rulings, donc aux décisions anticipatives. 

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