Interview de Pierre Gramegna avec la Libre Belgique

"Nous sommes la place financière internationale la plus importante pour le private banking dans la zone euro"

Interview: La Libre Belgique

La Libre Belgique: Nous sommes dans une situation d'après crise financière. Le secret bancaire a été levé, l'échange d'informations est instauré. Comment le Luxembourg voit-il cette situation? L'uniformisation des réglementations européennes est-elle considérée comme un risque ou comme une opportunité pour la place financière luxembourgeoise?

Pierre Gramegna: La place financière, au sens large, représente presque un quart du Produit intérieur brut du grand-duché de Luxembourg et près de 10% en termes d'emplois. Lorsqu'en 2014, le gouvernement a décidé d'embrasser complètement la trajectoire vers la transparence fiscale, nombreux étaient les acteurs et les observateurs qui pensaient que cela pourrait nuire gravement à la compétitivité de notre place financière. Personnellement, je pensais que nous ne pouvions pas rester en dehors de ce mouvement international vers la transparence fiscale. Il fallait s'y joindre, d'autant plus que le fait de rester en dehors était devenu l'objet de nombreuses critiques. En y regardant de près, le risque "réputationnel" nous procurait des inconvénients. Avec le recul, notre place financière s'est bien développée en 2015. Cela se confirme au début de cette année et on peut sans doute dire que c'est grâce à l'abandon du secret bancaire et à l'échange d'informations. Les avantages ont été plus nombreux que les inconvénients. Nous sommes sortis de la liste noire de I'OCDE en changeant notre législation, de sorte que notre réputation est à nouveau intacte.

La Libre Belgique: Quel est l'intérêt pour les épargnants belges, par exemple, d'aller encore au Luxembourg?

Pierre Gramegna: La place financière luxembourgeoise souffrait d'un cliché qui était celui du secret bancaire. Or, après la levée du secret bancaire, on constate que toutes les branches de l'activité financière se développent, y compris la gestion de fortune et le private banking. Il y a donc encore un attrait pour le client fortuné. Le type de clients a changé. On est passé du "dentiste belge" avec une somme d'argent limitée, à des personnes, venant de Belgique, mais surtout d'ailleurs, qui détiennent des sommes beaucoup plus importantes, dont les revenus sont déclarés et qui recherchent l'excellence dans la gestion de leur fortune. C'est notre ambition et nous délivrons cette expertise au centre de la zone euro. Nous sommes la place financière internationale la plus importante pour le private banking dans la zone euro.

La Libre Belgique: Votre position en tant que place financière d'excellence est-elle aussi le résultat d'une attitude plus souple de la part du régulateur luxembourgeois?

Pierre Gramegna: Nous avons un régulateur qui a une connaissance pointue de la réglementation européenne mais nous avons peutêtre le meilleur dialogue avec tous les acteurs. C'est notre force de savoir écouter les acteurs de la place, de connaître feurs difficultés, d'appréhender leurs défis et de savoir appliquer les règles de façon intelligente tout en restant dans les clous. Nous avons toujours eu ce dialogue et nous le renforçons.

La Libre Belgique: Vous êtes très actifs dans le développement des FinTechs? Est-ce pour vous le coup d'envoi d'une recomposition du paysage financier luxembourgeois?

Pierre Gramegna: Les FinTechs sont le dernier pilier du système financier luxembourgeois, avec la gestion de fortune, les fonds d'investissement, l'assurance et la ré -assurance. Nous avons été des précurseurs dans ce domaine en étant le hub européen pour le commerce électronique et les monnaies virtuelles en donnant une licence pour les monnaies virtuelles sur base dé la directive paiements. Nous allons ouvrir une "House of FinTech" où tous ceux qui innovent peuvent se rencontrer. Nous voulons être une terre d'accueil pour les FinTechs grâce à l'infrastructure et grâce aussi à des fonds de venture capitaliste" ou en provenance des investisseurs privés. Les start-up peuvent trouver le capital, des acteurs déjà présents, un terreau fertile où les gens interagissent et un régulateur à l'écoute. Le Luxembourg a aussi l'avantage d'être un petit territoire sur lequel on peut facilement tester des nouveautés, c'est une sorte de laboratoire pour beaucoup de groupes financiers avec un échantillonnage important d'acteurs financiers. Nous avons, par exemple, les six plus grandes banques chinoises qui se sont installées au Luxembourg. On a 145 banques sur la place, ce qui est intéressant pour les Fin -Techs. Il y aura des FinTechs qui développeront des outils performants qui seront rachetés par des acteurs traditionnels et puis il y en aura qui voudront prospérer seules. Les FinTechs sont un défi mais aussi un révélateur, un accélérateur de transformation de la banque. Nous voulons continuer à développer l'esprit de bienvenue dans notre pays. Nous avons toujours réussi à bien rapprocher le secteur privé et les autorités. C'est un partenariat dans lequel le privé et le public trouvent des chemins convergents.

Dernière mise à jour