"Des partenaires mieux intégrés au processus", Luc Frieden au sujet du semestre européen

Le Quotidien: La Commission européenne examinera cette année pour la première fois les projets de budget des États membres, comme le dicte le Semestre européen. Quand ces projets pourront enfin être débattus par les parlements nationaux, le processus aura déjà été validé par le Conseil européen. Les syndicats, et d'autres, y voient une attaque contre la souveraineté démocratique des parlements nationaux. Que leur répondez-vous?

Luc Frieden: Dans une Union monétaire, tous nos États sont interdépendants. Le but est d'avoir une procédure en deux étapes. Le premier semestre de l'année est destiné à fixer les grandes orientations à la fois en termes de politique budgétaire et de politique économique et de faire un examen européen des grands objectifs dans ces matières. À la fin de ce premier semestre, la Commission européenne et le Conseil des ministres des Finances de l'Union européenne donnent un avis et des recommandations sur ces grandes orientations. Et il appartient par la suite, sur base de cette analyse, de préparer le budget, au niveau national, en automne, comme par le passé. Mais la qualité en sera améliorée car les grandes orientations seront débattues dans un esprit européen. Le Parlement restera souverain dans sa décision finale. Nous sommes dans une Union monétaire, où nous avons déjà fixé le cadre, en termes de déficit et d'endettement maximaux et nous avons une politique économique commune avec certains objectifs, par exemple, dans le domaine de la recherche et du développement. J'ai proposé aux députés de venir discuter au Parlement, vers la fin du mois de mars, de l'objectif que nous nous fixons en termes de finances publiques, pour l'année 2012. Nous aurons ensuite un débat plus général sur les politiques que nous allons mener et le détail du budget sera fait à la fin de l'année. L'orientation européenne sera une plus-value pour notre politique budgétaire parce que ce n'est pas simplement nous qui allons discuter de l'objectif. Nous aurons un avis externe de la part des autres ministres des Finances de l'Union européenne. C'est un avantage pour nous et nous ferons ce même exercice à l'égard des autres pays de la zone euro. Nous éviterons des dérapages comme ceux que nous avons vus en Grèce et en Irlande. En fin de compte, nous aurons une meilleure politique budgétaire dans tous les États de la zone euro.

Le Quotidien: Le Semestre européen touche à des domaines qui intéressent tout particulièrement les partenaires sociaux. Le programme de stabilité et de convergence ainsi que le plan de réforme que contrôle désormais la Commission, ont un impact sur les dépenses publiques et touchent à la protection sociale, l'évolution des contrats de travail ou les hausses de salaires... Doit-on y voir une menace réelle sur nos acquis sociaux?

Luc Frieden: Toutes les politiques sont aujourd'hui à la fois nationales et européennes. Ce n'est pas Bruxelles ou un autre qui fixera notre politique salariale, mais si nous faisons des politiques ou des dépenses budgétaires qui créent un déficit ou qui conduisent à une situation dans laquelle nous ne pouvons plus financer certains domaines, comme le financement des retraites, alors cela devient un sujet européen. Il ne faut pas voir là une mainmise d'autrui sur notre politique mais c'est le bon sens, appliqué à la politique budgétaire et économique, dans un cadre européen que nous nous sommes fixé nous-mêmes.

Le Quotidien: Pour certains, comme Jacques Delors, le Semestre européen est trop centré sur des sanctions et pas assez sur des incitations et, d'une manière générale, il reste insuffisamment ouvert à la participation des différents acteurs, dont les parlements nationaux et les partenaires sociaux européens. Qu'en pensez-vous?

Luc Frieden: Nous avons besoin de sanctions puisque certains n'ont pas respecté les règles que nous nous étions données. La politique luxembourgeoise a toujours respecté l'ensemble de ces critères car des finances saines sont la condition de la stabilité d'une monnaie. Dans le cas du Luxembourg, avoir un déficit peu élevé avec des taux d'imposition raisonnables permet d'attirer des investisseurs et donc de créer des emplois. La sagesse luxembourgeoise deviendra à travers cet exercice une sagesse européenne dont nous profitons en tant que petit pays membre de la zone euro. L'incitation consiste à expliquer aux gens qu'avec des finances publiques saines, les pays seront mieux lotis car ils payeront moins d'intérêts sur la dette et que les emplois se créeront là où les impôts ne seront pas trop élevés. Quant à la participation des acteurs dans le processus, je dirais, au contraire, qu'à la fois les partis politiques et les partenaires sociaux seront mieux intégrés dans le processus budgétaire que par le passé. Désormais, nous aurons un débat budgétaire tout au long de l'année au moins à partir du moment où je présenterai les grandes orientations des finances publiques vers la fin mars.

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