Présentation des prévisions en matière de finances publiques pour les années 2011-2015

Le 21 mars 2012, le ministre des Finances Luc Frieden a invité à une présentation des prévisions en matière de finances publiques pour les années 2012-2015. Celles-ci ont été établies par le comité de prévision, organe mis en place il y a deux ans par le ministre des Finances et le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur et composé de représentants du ministère des Finances (Inspection générale des finances, Trésorerie de l’État), de l’Administration des contributions directes, de l’Administration de l’enregistrement et des domaines, de l’Administration des douanes et accises, du ministère de l’Économie et du Commerce extérieur, du ministère de l’Intérieur et à la Grande Région, du Statec, de l’IGSS et de la CSSF. Son but est de rassembler toutes les données pertinentes en matière de finances publiques et d’établir des prévisions pour le gouvernement.

Serge Allegrezza, directeur du Statec, a présenté les prévisions macroéconomiques. D’après celles-ci, le Luxembourg, en récession depuis le dernier trimestre 2011, devra faire face en 2012 à une diminution de son PIB réel de 0,9%. Une reprise de l’économie luxembourgeoise n’est attendue qu’à partir de l’année 2013. Il est en outre estimé que l’emploi intérieur, qui réagit normalement avec un décalage de 12 à 18 mois sur une récession, augmentera de 1,4% en 2012, de 0,8% en 2013, de 1,4% en 2014 et de 2,8% en 2015, et que le taux de chômage passera de 6,7% en 2012 à 7,7% en 2015.

Georges Heinrich, directeur du Trésor, s’est penché sur les recettes de l’administration publique. À législation constante et d’après les prévisions du comité, les recettes n’augmenteront en moyenne que de 3% par an entre 2012 et 2015. Pour l’exercice 2012, le comité estime que les recettes n’augmenteront que de 1,8%, alors que le gouvernement avait tablé sur une augmentation de 4,9% au moment de l’établissement du budget 2012.

Le directeur du Trésor a également attiré l’attention sur l’évolution des recettes de TVA sur les activités de commerce électronique. Si le Luxembourg profite actuellement encore du régime d’imposition suivant le lieu d’établissement du prestataire de services par Internet - et qui génère des recettes de TVA d’environ 600 millions d’euros par an - la situation changera à partir de 2015 lorsque les activités de commerce électronique seront soumises au régime d’imposition du pays du consommateur. Selon Georges Heinrich, le Luxembourg devra à ce moment faire face à une diminution substantielle de ces recettes de TVA, estimée en 2015 à plus de 600 millions euros.

Jeannot Waringo, directeur de l’Inspection générale des finances, a analysé les évolutions au niveau des dépenses de l’administration publique. Il a noté que la crise a entraîné une détérioration du besoin de financement de l’administration publique à cause d’un ralentissement de la croissance des recettes par rapport aux dépenses. En effet, en même temps, les dépenses publiques, à cause de leur caractère d’inflexibilité notamment imputable à de nombreuses dispositions législatives, ont continué d’évoluer avec des taux de croissance importants. En conséquence, les dépenses de l’administration publique dépassent les recettes depuis 2009, a dit Jeannot Waringo. À législation constante, le déficit de l’administration publique au Luxembourg risque ainsi de dépasser à partir de 2013 le seuil critique de -3% du PIB prévu par le traité et à partir duquel un État membre entre dans la procédure sur les déficits excessifs.

"Un solde négatif doit être financé", a enchaîné Georges Heinrich. Sur base des prévisions, le comité estime le besoin de financement de l’administration publique à un milliard d’euros par an entre 2012 et 2015. D’après ce scénario, la dette publique s’élèverait en 2015 à 12 milliard d’euros (25% du PIB). "Lorsque la dette augmente, le service de la dette augmente aussi", a continué le directeur du Trésor, en précisant que le remboursement de la dette dépasserait les 300 millions d’euros par an à partir de 2013/2014. Georges Heinrich a également souligné "l’importance pour le Luxembourg de se financer à des conditions favorables et dès lors l’importance cruciale pour le Grand-Duché de garder son statut AAA auprès des agences de notation".

Après la présentation de ces données par les membres du comité de prévision, le ministre des Finances a rappelé qu’il s’agit bel et bien d’estimations, que les chiffres évolueront en permanence et que ces prévisions ont été établies à politique inchangée (législation constante). À ses yeux, elles demandent toutefois un débat très large dans le pays et constituent un point de départ essentiel pour les prochaines discussions politiques.

Luc Frieden a souligné en particulier que "la situation a changé, qu’elle n’est pas bonne et qu’il y a lieu d’agir. Si nous continuons à ce rythme, la situation s’aggravera."

Le ministre des Finances estime qu’une nouvelle culture au niveau des dépenses sera nécessaire. Selon lui, il faudra procéder avec plus de prudence avant de décider de nouvelles dépenses et réexaminer les dépenses existantes. Concrètement, il veut refixer les priorités pour les quatre principaux groupes de dépenses de l’administration publique: les investissements, les transferts sociaux, les rémunérations et les frais de fonctionnement. L’équité sociale et un environnement économique attractif sont les mots d’ordres qui devront guider ce processus, de même que la solidarité intergénérationnelle.

Luc Frieden a aussi écarté l’option d’un endettement permanent. "S’il est plus facile à court terme d’emprunter de l’argent, ces emprunts empoisonnent à long terme le développement d’un pays", a-t-il insisté.

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