Débats parlementaires sur le budget 2012: intervention du ministre des Finances Luc Frieden

Dans le cadre des débats parlementaires sur le projet de loi concernant le budget des recettes et des dépenses de l'État pour l'exercice 2012, le ministre des Finances Luc Frieden est intervenu le 7 décembre 2011 à la Chambre des députés. La veille, le rapporteur Gilles Roth avait présenté le rapport de la commission des Finances et du Budget.

Luc Frieden a d’abord présenté le contexte dans lequel s’inscrit le budget 2012 en soulignant que la situation actuelle au Luxembourg, en Europe et dans le monde soulève beaucoup d’incertitudes. Le ralentissement de l’économie mondiale, la nervosité des marchés financiers, la crise de confiance et de la dette souveraine, la délocalisation de la croissance vers d’autres régions du monde et une nouvelle interdépendance entre les États en Europe et entre les continents illustrent, selon lui, que le monde est entré dans une ère de grands changements qui ne sont pas sans incidence sur le Luxembourg.

L’Europe et l’euro

Luc Frieden a averti que "personne ne peut ignorer ces incertitudes" et que le Luxembourg doit s’adapter à ce nouvel environnement. Malgré les problèmes actuels, "le Luxembourg a besoin de l’Europe, sur les plans politique et économique, et l’euro constitue un instrument très important pour notre pays", a-t-il dit avant de passer en revue les nombreux avantages qui découlent de la monnaie unique européenne. Mais celle-ci implique aussi que "tout ne peut pas rester entre les mains des États nationaux", a-t-il continué. Il ne s’agit pas de céder la souverainteé, mais de la partager avec les autres. Ainsi solidarité et responsabilité sont selon lui les mots d’ordre pour sortir de la crise de confiance et de la dette publique.

À court terme, il faut être solidaire avec les pays en difficulté comme la Grèce, l’Irlande ou le Portugal et renforcer les mécanismes d’aide, par le biais de l’EFSF et du Fonds monétaire international. À moyen et à long terme, il faut mettre en place le plus rapidement possible le Mécanisme européen de stabilité (MES) et parvenir à des finances publiques saines en zone euro, "seule recette pour augmenter la confiance et la stabilité". Dans ce contexte, le ministre s’est prononcé en faveur d’une coordination plus étroite des politiques budgétaires et d’un renforcement des mécanismes de contrôle et de sanction. L’adoption récente d’une série de mesures dites "sixpack" constitue un pas important en cette direction et sa mise en œuvre constitue une priorité absolue. Luc Frieden a écarté l’hypothèse du retour à une monnaie nationale, ajoutant qu’un tel scénario "n’était souhaitable ni politiquement ni économiquement". Il a au contraire souligné le besoin de tout mettre en œuvre pour assurer le fonctionnement de la zone euro, indiquant tout de même "qu’il ne s’agit pas d’une seule décision, mais d’un long processus à plusieurs étapes".

Face au rôle de l’Europe qui diminue sur la scène internationale, Luc Frieden a prôné de s’ouvrir à cette réalité et de mener une politique active de promotion sur les marchés émergents. Il a défendu les investissements étrangers au Luxembourg. "Des solutions luxembourgeoises sont souvent une illusion." Et l’installation de la plus grande banque chinoise au Luxembourg est, selon Luc Frieden, la preuve que les relations économiques avec les marchés émergents "fonctionnent dans les deux sens".

La reprise de la BIL a également été expliquée. Au moment où les difficultés du groupe Dexia sont devenues insurmontables et que la restructuration du groupe a eu lieu, le ministre a dû s’interroger sur le rôle de l’État dans cette situation. Face à l’importance systémique de la BIL sur la place financière, et notamment en tant que banque de détail et afin de garantir la stabilité économique et sociale, le ministre a opté pour une participation de 10%, ce qui correspond à un investissement d’environ 100 millions d’euros. L’acceptation des garanties, ensemble avec la France et la Belgique selon la même clé de répartition qu’en 2008 et sous réserve de l’accord de la Commission européenne, était la contrepartie attendue pour séparer la BIL du groupe Dexia.

Estimant par ailleurs que l’année 2012 sera une année difficile pour les banques en Europe, le ministre des Finances a annoncé aussi que le capital de la Banque centrale du Luxembourg sera augmenté afin qu’elle puisse exercer au mieux ses obligations dans le cadre de la crise de l’euro pour garantir la stabilité financière et pour respecter les obligations par rapport au Fonds monétaire international.

Le budget 2012

Face aux prévisions de croissance très volatiles, Luc Frieden a souligné le fait qu’il était très difficile, voire impossible de déterminer si le budget 2012 était trop optimiste ou non. Tout dépendra de l’évolution économique: "Ce budget est optimiste si la crise continue, mais il est réaliste si on parvient d’endiguer la crise à court terme". Le ministre a refusé toute modification du projet de budget, signe plutôt d’une "politique en zigzag". De plus, la plupart des principales recettes de l’État sont encaissées avec un certain décalage, de sorte que la situation actuelle affectera plutôt les budgets 2013 et 2014.

Le budget 2012 doit être vu dans une perspective à plus long terme qui vise à stimuler la croissance et à augmenter le pouvoir d’achat par des investissements élevés et une politique sociale responsable, a dit Luc Frieden pour qui le présent projet n’a rien d’une politique financière aventuriste. Il a souligné que le budget 2012 reflète d’une part l’effort qui a été entrepris pour contenir une augmentation trop importante des dépenses et d’autre part une volonté affirmée d’investir dans l’avenir du pays.

Il a mis en exergue certaines catégories de dépenses qui sont en augmentation: les transferts en faveur des caisses de pension et de maladie ainsi que pour l’accueil des enfants, la recherche publique et la formation professionnelle. Ces croissances sont le résultat d’ajustements automatiques et d’engagements politiques antérieurs. Les seuls frais de fonctionnement de l’État n’ont presque pas augmenté. Le budget 2012 restera déficitaire avec un déficit de 0,7%. Le gouvernement demandera aussi l’accord de la Chambre pour contracter un emprunt de 500 millions d’euros.

Côté recettes, l’imposition des entreprises et des personnes physiques reste inchangée, tandis que la contribution de crise sera supprimée. Une politique fiscale attractive est le crédo du ministre Frieden, qui a précisé que le taux de TVA de 3% applicable sur les livres vendus sur Internet sera appliqué à tous les livres, qu’ils soient vendus en ligne ou non.

Le ministre des Finances a réaffirmé l’objectif du gouvernement d’atteindre un budget équilibré en 2014. Pour 2015/2016, il vise un surplus, reflétant le "medium term objective" (MTO). En parallèle il entend réduire le déficit au niveau de l’administration centrale à un strict minimum.

Le ministre des Finances a annoncé qu’il souhaite entamer, sur une base informelle, un dialogue national avec toutes les fractions parlementaires, les partenaires sociaux ainsi que d’autres mouvements organisés, dont les jeunes, sur les défis qui se posent au pays au niveau des finances publiques. En faisant un appel à tous de dépasser les divisions partisanes et les vues trop sectorielles, il a proposé d’adopter une approche axée sur l’intérêt général et une prise en compte des défis dans leur ensemble. L’objectif est de discuter de l’avenir du pays pour créer un environnement favorable pour les années à venir, avec croissance économique, création d’emplois et surtout finances publiques saines, qui sont la base pour garantir stabilité et confiance.

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